Les nouvelles dispositions du droit de l'inexécution du contrat (2ème partie)
Le régime de la résolution contractuelle n’est pas réellement modifié par l’ordonnance du 10 février 2016 mais plutôt clarifié.
L’article 1224 dispose que la résolution du contrat peut avoir trois origines : la mise en œuvre d’une clause résolutoire, la dénonciation du contrat pour manquement grave, une décision judiciaire.
I.1 La clause résolutoire
Le régime de la clause résolutoire est désormais codifié à l’article 1225 :
« La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »
Le texte laisse aux parties une certaine liberté dans la rédaction de la clause résolutoire, qui peut, ou non, prévoir l’envoi d’une mise en demeure préalable, et qui peut limiter sa mise en œuvre aux fautes les plus graves, ou au contraire prévoir qu’elle s’appliquera à tout manquement.
Si la clause prévoit l’envoi d’une mise en demeure préalable cette phase devra impérativement être respectée sous peine de priver la clause résolutoire de son effet. De même, le texte rappelle que la mise en demeure doit expressément faire référence à la clause résolutoire en vertu de laquelle elle est notifiée.
I.2 La résolution par notification unilatérale
Là encore le nouvel article 1226 ne fait qu’encadrer textuellement une solution appliquée par la pratique sous le contrôle de la jurisprudence depuis de nombreuses années.
Cette modalité de dénonciation du contrat pourra être utilisée en l’absence de clause résolutoire prévue au contrat :
« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».
La dénonciation doit se faire en deux temps :
- D’abord avec l’envoi d’une mise en demeure, cette fois-ci obligatoire sauf cas d’urgence ;
- Ensuite, en cas de persistance du/des manquement(s) par la notification de la résolution du contrat.
La notification de rupture doit indiquer précisément les fautes reprochées au débiteur sur la base desquelles il est procédé à dénonciation du contrat.
Dès cette notification le contrat est rompu, contrairement à la résolution judiciaire dans le cadre de laquelle les parties restent liées contractuellement jusqu’à ce que le juge statue.
Le débiteur évincé peut alors saisir le juge pour contester les griefs invoqués dans la lettre de rupture du créancier. Cette contestation pourra porter sur la réalité même de ces griefs, où sur leur insuffisante gravité pour justifier une résolution.
Si le créancier ne parvient pas à démontrer la gravité de l’inexécution reprochée à son débiteur, il s’expose alors à devoir l’indemniser pour rupture abusive du contrat. C’est la raison pour laquelle l’article 1226 indique expressément que la résolution par notification unilatérale se fait « aux risques et périls du créancier ».
I.3 La résolution judiciaire
Enfin, l’article 1227 précise que « la résolution peut, en tout hypothèse, être demandée en justice. »
Il n’est pas possible de supprimer contractuellement ce mode de résolution auquel les parties ne peuvent pas renoncer.
L’ordonnance du 10 février 2016 ne fournit aucune précision particulière sur la résolution judiciaire, excepté sur les pouvoirs du juge saisi d’une telle demande :
« Article 1228 : Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »
La rédaction de ce texte semble remettre en cause le droit antérieur.
Auparavant le juge saisi d’une demande de résolution judiciaire n’avait que deux options : y faire droit ou ne pas y faire droit.
Le nouveau texte semble lui laisser un pouvoir de décision beaucoup plus important, puisque face à une demande de résolution judiciaire, il pourra :
- Prononcer la résolution du contrat ;
- Refuser la résolution du contrat mais ordonner son exécution forcée en octroyant, le cas échéant, des délais au débiteur ;
- Refuser la résolution du contrat mais aller seulement des dommages intérêts ( ??)
L’article 1229 précise que la date de la résolution judiciaire est fixée par la juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
S’agissant du sort des prestations échangées entre les parties antérieurement à la résolution, le texte fait une distinction en fonction de leur utilité.
Les prestations échangées ne donnent pas lieu à restitution dès lors qu’elles ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat (exemple : contrat bail). La résolution ne produit alors d’effet que pour l’avenir et l’on parle de résiliation.
Les prestations échangées ne sont soumises à restitution que si leur utilité implique une exécution complète du contrat (exemple : contrat de vente). Dans cette hypothèse, la résolution emporte anéantissement rétroactif du contrat.
Enfin le nouvel article 1230 du code civil prévoit la survivance de certaines clauses du contrat même en cas de résolution :
« La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence. »
Ainsi toutes les clauses qui ont pour finalité de régler un effet du contrat postérieur à sa résolution survivent à cette dernière.
A titre d’exemple, si le contrat prévoit une clause attributive de juridiction celle-ci s’applique même en cas de résolution où c’est le Tribunal contractuellement désigné qui devra être saisi.
Pour éviter toute difficulté d’interprétation il est conseillé de prévoir expressément au contrat, et pour chaque clause concernée, que celle-ci « produira effet, même en cas de résolution ».
II. Les dommages intérêts
Dernière sanction possible à l’inexécution contractuelle, la condamnation du débiteur défaillant à des dommages intérêts.
L’ordonnance du 10 février 2016 reprend sur cette question l’ensemble des articles antérieurs du Code.
La réforme du droit des contrats aurait pu sur ce point poursuivre son objectif de clarification en intégrant par exemple :
- Des dispositions définissant les obligations de moyen et de résultat ;
- Une définition plus précise de la clause pénale rappelant sa fonction coercitive ;
- des précisions sur l’évaluation du préjudice.
Mais peut-être ces questions trouveront-elles des réponses avec la prochaine réforme annoncée du droit de la responsabilité.
(Les informations contenues dans cet article, bien qu'elles soient de nature juridique, ne constituent ni un avis juridique, ni une consultation. Pour tout litige ou problématique en rapport avec le sujet traité vous êtes invités à prendre contact avec un avocat en droit des contrats)
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit des contrats
- septembre 2019
- mai 2019
- avril 2017
- mai 2016