Le comblement de passif présente un caractère indemnitaire
L’action en comblement de passif est la principale sanction pécuniaire pouvant frapper le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire.
Le caractère punitif de cette procédure ne doit cependant pas faire oublier qu’elle a pour but d'indemniser la société, et donc ses créanciers, pour les conséquences financières négatives entraînées par les fautes de gestion du dirigeant.
C’est la raison pour laquelle, la responsabilité de ce dernier ne peut être recherchée sur le fondement de l’article L.651-2 du Code de Commerce qu’à la double condition qu’il ait commis une ou plusieurs fautes de gestion, et que soit démontré un lien de causalité entre ces fautes et l’insuffisance d’actif soufferte par la société en liquidation.
Deux arrêts illustrent parfaitement le caractère indemnitaire du comblement de passif et l’importance des conséquences des fautes reprochées sur la situation de la société.
Dans un arrêt du 20 décembre 2007 rendu par la Cour d’Appel de PAU (n°4886/07), le liquidateur judiciaire avait poursuivi le dirigeant en lui reprochant les fautes de gestion suivantes :
- absence de mesures destinées à reconstituer les capitaux propres de la société ;
- non respect de l’obligation de réaliser l’inventaire des stocks ;
- Redressement de TVA liée à l’activité d’import-export de véhicules d’occasions.
Au vu de ces fautes, et du passif de la société évalué à plus de 200.000 €, le dirigeant avait été condamné par le Tribunal de Commerce à combler ce passif à hauteur de 50.000 €.
En appel, la Cour a infirmé cette condamnation et rejeté toutes les demandes formées par le liquidateur.
Pour motiver sa décision, la Cour commence par indiquer que « il est constant que l’action en insuffisance d’actif présente essentiellement un caractère indemnitaire, et non pas une sanction… ».
Elle précise en outre que « la fixation du montant de l’indemnité est fonction de la gravité des fautes de gestion commises et de la proportion dans laquelle ces fautes ont contribué à l’insuffisance d’actif… ».
Or en l’espèce, la quasi-intégralité du passif était constituée d’un redressement de TVA lié à une difficulté d’application des textes communautaires en matière d’import-export de véhicules d’occasion ayant à l’époque touché l’ensemble des acteurs du secteur.
La Cour en déduit que les fautes incontestables du dirigeant sont cependant sans lien direct avec le montant du passif. Elle rejette par voie de conséquence les demandes de condamnations formées par le liquidateur sur le fondement du comblement de passif.
Un arrêt de la Cour de Cassation du 22 juin 2010 (n°09-14214), tout en validant cette fois la condamnation prononcée à l’encontre du dirigeant, fournit également une bonne illustration du caractère indemnitaire de l’action en comblement de passif.
Dans cette affaire il était reproché au dirigeant de ne pas avoir tenue une comptabilité régulière de sa société, comportement certes fautif mais ne présentant pas de manière évidente un lien avec les difficultés de l’entreprise.
La Haute Juridiction confirme la condamnation en comblement de passif prononcée à son encontre en raison du lien démontré entre la faute de gestion reprochée et l’insuffisance d’actif : « …cette faute était en lien avec l’insuffisance d’actif, dès lors qu’elle avait privé l’entreprise d’un outil de gestion qui aurait permis à son dirigeant de connaître son absence de rentabilité et la nécessité de procéder à la déclaration de la cessation des paiements afin d’éviter une poursuite d’activité préjudiciable aux créanciers… »
Le régime de l’action en comblement de passif est finalement très proche de celui du droit commun de la responsabilité qui requiert, pour que l’action prospère, de rapporter la preuve non seulement d’une faute, mais également du préjudice de la victime et du lien de causalité entre la faute et le préjudice.
(Les informations contenues dans cet article, bien qu'elles soient de nature juridique, ne constituent ni un avis juridique, ni une consultation. Pour tout litige ou problématique en rapport avec le sujet traité vous êtes invités à prendre contact avec un avocat en droit des affaires)
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